Tchequie
Anne Peeters dessine depuis l’enfance. Elle a peint à l’huile pendant une décennie au cours de Maria Brouillard. Elle s’est attachée à l’estampe dans l’atelier d’Anne Kellens à l’Ecole des Arts d’Ixelles, que fréquentait sa partenaire d’un théâtre d’ombres. Ce fut d’abord le noir et blanc radical du lino, puis l’expérimentation progressive du sensible par la pointe-sèche, l’eau-forte, l’aquatinte, enfin le retour à la couleur, du clair au sombre en glacis et transparences, par deux ou trois impressions surimposées : dix nouvelles années de création plastique en parallèle à une carrière de comédienne- marionnettiste à laquelle des études accomplies de philologie slave ne la destinaient guère.
Anne Peeters grave ses lieux de vie d’une écriture volontaire. Elle nourrissait jadis des carnets de voyages et promenades à l’aquarelle. Puis ce furent des pointes-sèches sur cello, (support léger), exécutées après avoir gravi une montagne à vélo ou biné dans son potager. Rapides saisies de sensations : en plein air les poussées de végétations frénétiques ou d’architectures erratiques; dans la cuisine, la chambre, l’atelier, au bistrot celles amoncellements d’objets singuliers. Le lino sert encore une propagande efficace : affiches de spectacles du Théâtre du N-Ombr’Ile, programmes de Coiffure Liliane – une table d’hôte avec attractions qui devint un cabaret, où elle a beaucoup donné. Anne Peeters est d’une grande vitalité, elle a le cœur sur la main, elle partage dans l’enthousiasme.
Anne Peeters exploite les possibles de l’estampe par des “natures-mortes”. Ses prétextes sont souvent des poissons moins sordidement cadavériques que d’autres immobiles séchés ou empaillés. (Elle a toujours habité à proximité de poissonneries). Elle met parfois ses sujets en scène, au frigo, dans une attitude tendue par des élastiques. Mais le temps de la création s’étend, la pose prendra fin dans une insupportable odeur. En résultent des polychromies étudiées, incisives, enlevées, dynamiques, expressives – jamais inertes – une méditation d’un calme paradoxal en regard des visions de nature vive ou de dépôts culturels tramées dans l’immédiat. L’art relève du plaisir de faire, jeu d’enfant ou persévérance d’adulte dont l’enjeu demeure un secret personnel. Anne Peeters ne grève son œuvre d’aucun discours. Son silence sert un art vivant, indifférent aux conventions de la société post-moderne.
Georges Meurant
Vidéo tournée dans l’atelier d’Anne Kellens – Académie d’Ixelles
Où vous pouvez apercevoir l’impression des « poissons » en 4 plaques de couleurs différentes.